La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a un double objectif : celui de favoriser la compétitivité des entreprises et celui de permettre la sécurisation de l’emploi. Pari réussi ?
Les points essentiels de la nouvelle loi de sécurisation de l’emploi
De la théorie à la pratique, il faut examiner les points essentiels du nouveau dispositif.
Les apports théoriques de la nouvelle loi
D’abord, elle modifie en profondeur les règles des licenciements économiques, car il y a désormais deux voies possibles pour mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi :
– la voie d’un accord collectif majoritaire validé par l’administration ;
– la voie unilatérale, après homologation par l’administration.
En matière d’homologation, si l’entreprise opte pour la seconde voie, le contrôle de l’administration est entier. Il porte sur la régularité de la procédure d’information et de consultation et sur la proportionnalité du plan de sauvegarde de l’emploi au regard des moyens de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient, de l’importance du projet de licenciement (nombre et situation des salariés, bassin d’emploi concerné…) et des mesures de formation-adaptation préalablement mises en œuvre au profit des salariés concernés.
Ensuite, la nouvelle loi a créé les accords de maintien dans l’emploi qui permettent aux entreprises d’utiliser les leviers « réduction de rémunération » et « aménagement du temps de travail » en cas de graves difficultés économiques conjoncturelles. Si un salarié refuse ces leviers validés par un accord collectif, l’employeur a alors le droit de le licencier pour motif économique.
Enfin, la nouvelle loi traite de la mobilité interne, l’entreprise pouvant signer un accord afin de définir à l’avance une zone géographique de l’emploi des salariés avec faculté de les affecter à un poste situé dans cette zone, le refus de la mobilité interne organisée par un tel accord justifiant la mise en œuvre d’un licenciement pour motif économique dont la cause réelle et sérieuse résulte de l’accord.
Les nouvelles dispositions de l’article L. 2242-22 du Code du travail prévoient que le contenu des accords de mobilité comporte notamment « les limites imposées à cette mobilité au-delà de la zone géographique de l’emploi du salarié, elle-même précisée par l’accord, dans le respect de la vie personnelle et familiale du salarié ».
La pratique de la loi risque d’être très hasardeuse pour les employeurs
Pour les licenciements économiques collectifs avec plan de sauvegarde l’emploi, on revient finalement à une sorte d’autorisation administrative de licenciement qui ne dit pas clairement son nom, et qui avait été supprimée en 1986 compte tenu de ses effets pervers pour les entreprises.
Certains se féliciteront que les PSE ne soient plus soumis au contrôle du juge judiciaire avec les multiples nullités soulevées par les Avocats spécialisés ; C’est maintenant la DIRECCTE qui est au cœur du nouveau dispositif. Mais les entreprises sont-elles vraiment gagnantes ?
Si par exemple le comité d’entreprise conteste auprès de la DIRECCTE que le plan est inadéquat ou insuffisant au regard des raisons économiques qui ont amené l’entreprise à se réorganiser ou au regard de la surface financière du groupe auquel elle appartient, dans quelle mesure l’administration du travail sera disposée à rendre une décision de validation ou d’homologation ?
Contrairement au contentieux judiciaire devant le Tribunal de Grande Instance devant lequel était jusque là débattue la validité des plans sociaux, il n’y ici nul débat contradictoire ni garantie offerte en termes procédurales.
Rappelons encore que l’administration du travail n’a pas le contrôle du motif du licenciement mais uniquement du contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, ce qui signifie que les contentieux relatifs au motif réel et sérieux du licenciement resteront pleinement ouverts devant le juge judiciaire.
Pour les accords de maintien dans l’emploi, le refus du salarié laisse pleinement ouverte la voie de l’obtention de dommages-intérêts dans le cas où, à l’issue d’un contentieux prud’homal, le licenciement serait jugé sans cause réelle et sérieuse. En effet, l’accord de maintien dans l’emploi n’exonère pas l’entreprise d’un tel procès intenté par le salarié qui a refusé les mesures issues de cet accord et qui est donc été licencié.
Les risques sont bien réels pour les entreprises qui font partie d’un groupe car les difficultés justifiant l’accord de maintien de l’emploi s’apprécieront, au regard de la jurisprudence actuelle, au niveau de la branche d’activité au sein du groupe et non au niveau de la seule entreprise concernée par les graves difficultés économiques conjoncturelles ayant conduit à l’accord de maintien de l’emploi.
Ainsi, les salariés concernés, qui restent libres de refuser l’aménagement qui leur est soumis, vont se voir proposer, en cas de refus, le bénéfice de mesures d’accompagnement prévues par l’accord, mais pourront également, heureuse surprise, tenter d’obtenir des compléments d’indemnisation en justice.
Pour l’accord de mobilité interne, il sera en pratique très difficile de le signer, car l’article L. 2242-22 du Code du travail précise que cet accord doit prévoir « les mesures visant à concilier la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale » et « les mesures d’accompagnement à la mobilité, en particulier les actions de formation ainsi que les aides à la mobilité géographique, qui comprennent notamment la participation de l’employeur à la compensation d’une éventuelle perte de pouvoir d’achat et aux frais de transport ».
Et à supposer qu’un tel accord soit signé, le coût et l’aléa judiciaire d’un licenciement pour motif économique consécutif au refus d’un salarié d’être muté en vertu de cet accord, restent bien réels : proposition de contrat de sécurisation de l’emploi (CSP) ou de congé de reclassement selon le cas, priorité de réembauche, indemnités majorées éventuellement prévues par la convention collective de branche ou les accords collectifs d’entreprise, risque de licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre notamment du défaut de reclassement.
Pas certain donc que cette nouvelle loi simplifie et facilite la pratique du Droit du travail, alors que c’était pourtant son objectif premier.
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