La pratique du travail dissimulé ou de l’emploi d’étrangers sans titre n’est pas seulement susceptible de bénéficier à ceux qui, travailleurs indépendants ou employeurs, s’y adonnent. Elle l’est en effet, indirectement, à l’égard des maîtres d’ouvrage ou donneurs d’ordre, par répercussion de l’économie, notamment en termes de cotisations sociales, qu’elle occasionne. Les contrôles de l’inspection du travail ou des services de police sont très fréquents et les poursuites pénales quasi systématiques en cas d’infractions.
Le recours à la sous-traitance, fréquemment utilisé dans le bâtiment par exemple, implique des sujétions pour le maître d’œuvre, qui doit s’assurer à la conclusion du contrat que l’entreprise sous-traitante retenue est dans une situation régulière au regard de ses obligations fiscales mais surtout sociales, y compris celles concernant le travail dissimulé et celles concernant l’emploi d’étrangers sans titre.
La sous-traitance, voire même la cascade de sous-traitances tant les fraudeurs font preuve d’imagination, est le montage le plus couramment utilisé pour dissimuler l’emploi de salariés étrangers qui sont détachés en France dans des conditions parfaitement illégales.
Soyons très clairs : la sous-traitance étant toujours suspecte pour la justice, il impératif pour les donneurs d’ordre de connaitre et de maîtriser deux textes du code du travail :
D’abord, l’article L. 8221-1, 3° sanctionne « le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé ».
Ensuite et concernant l’emploi d’étrangers sans titre, l’article L. 8254-1 prévoit que le donneur d’ordre est tenu de vérifier que son sous-traitant s’acquittait bien de ses obligations au titre de l’article L. 8251-1 du Code du travail, c’est-à-dire que les étrangers qu’il emploie sont tous munis d’un titre les autorisant à exercer une activité salariée en France.
Pour l’application de ces deux textes, il a été instauré deux dispositifs très précis qui garantissent la bonne foi du maître d’ouvrage ou donneur d’ordre obligé, en quelque sorte, de s’informer de la situation des cocontractants et sous-traitants en matière de travail dissimulé ou d’emploi d’étrangers sans titre.
reste la question très sensible de la fausse sous-traitance.
1/ Travail dissimulé
Le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre doit se faire remettre par ses cocontractants et sous-traitants, lors de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu’à la fin de l’exécution de ce contrat (C. trav., art. D. 8222-5) :
- une attestation de fourniture de déclarations sociales datant de moins de six mois (il s’agit de l’ « attestation de vigilance» délivrée par l’Urssaf), dont il doit s’assurer de l’authenticité ;
- et, lorsque le sous-traitant est tenu d’être immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, ou exerce une profession réglementée :
. un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis),
. ou une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers,
. ou un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente,
. ou un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription.
Ces exigences sont applicables aux contrats conclus pour toute opération d’un montant au moins égal à 5 000 euros hors taxe.
2/ Emploi d’étrangers sans titre
Une personne physique ou morale peut être coupable de l’infraction d’emploi d’étrangers sans titre de travail dès lors qu’elle recourt « sciemment » « aux services d’un employeur d’un étranger sans titre » (art. L. 8251-2 préc.).
Afin de donner une portée effective à ce principe, le code du travail prévoit un dispositif qui, au final, ne peut laisser le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre dans l’ignorance d’une éventuelle infraction à la législation relative à l’emploi d’étrangers par son ou ses sous-traitants (sauf fausse déclaration de ces derniers).
En effet, le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre a l’obligation de se faire remettre par son cocontractant, lors de la conclusion du contrat de sous-traitance et tous les six mois jusqu’à la fin de l’exécution de ce contrat, la liste nominative des salariés étrangers qu’il emploie, et pour lesquels une autorisation de travail est nécessaire – cette liste étant établie à partir du registre unique du personnel et précisant, pour chaque salarié :
- sa date d’embauche ;
- sa nationalité ;
- le type et le numéro d’ordre du titre valant autorisation de travail.
Ces exigences sont applicables aux contrats conclus pour toute opération d’un montant au moins égal à 5 000 euros hors taxe, même si le sous-traitant est établi à l’étranger.
À défaut de s’acquitter correctement de son obligation de vérification, le donneur d’ordre pourra être tenu solidairement des condamnations infligées à l’employeur (C. trav., art. L. 8254-2).
L’emploi de salariés étrangers démunis d’autorisation de travail va le plus souvent de pair avec une dissimulation de leurs emplois, le non-respect de ces deux interdictions étant assorties de sanction qui leur sont propres : dans les faits, les fraudeurs dissimulent l’emploi de leurs salariés, qui sont le plus souvent des étrangers sans titre et sous-rémunérés.
3/ La fausse sous-traitance
Pour être licite, une convention de prestation de services dans le cadre d’une sous-traitance implique :
– le maintien du lien de subordination entre le salarié et son employeur de droit,
– le caractère forfaitaire du coût de la prestation et la définition de celle-ci,
– et la mise en œuvre par le salarié mis à disposition d’un savoir-faire spécifique.
A défaut de respecter ces critères, le tribunal correctionnel peut requalifier la convention de sous-traitance en contrat de travail, et condamner le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre pour toutes les infractions éventuellement commises (en matière d’emploi dissimulé par exemple) sous couvert d’une fausse sous-traitance.
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