Le recours des victimes de harcèlement sexuel est difficile à mettre en œuvre, pour deux raisons :
D’abord, identifier un harcèlement sexuel n’est pas toujours aisé tant on le confond parfois avec la drague lourde au bureau voire la simple familiarité entre collègues (I.).
Ensuite, prouver le harcèlement reste compliqué dans la mesure où les moyens de preuve les plus efficaces, à savoir les enregistrements, sont irrecevables devant les prud’hommes (II.).
I/ Êtes-vous vraiment victime d’un harcèlement sexuel ?
La reconnaissance du harcèlement sexuel date de 1992 et a été inséré à la fois dans le Code du travail et dans le Code pénal.
Toutefois, malgré de nombreuses évolutions législatives, sa qualification reste complexe, car la frontière avec les relations de familiarité voire les rapports de séduction alimente de nombreux contentieux.
En cas de doute, contactez un avocat compétent sur le harcèlement sexuel.
a/ Distinguer harcèlement et drague ou plaisanterie lourde
Le fait d’invoquer un jeu de séduction ou des plaisanteries grivoises n’a, le plus souvent, d’autre objectif que de décrédibiliser la parole de la victime et garantir ainsi l’impunité du harceleur.
La séduction implique un consentement mutuel, alors que le harcèlement se traduit par des actes imposés à l’autre, qui se trouve le plus souvent dans une situation de subordination juridique et qui n’a d’autre pouvoir que se taire et subir.
Il faut revenir à la définition donnée par l’article L 1153-1 du Code du travail, qui précise qu’aucun salarié ne doit subir des faits :
– soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
– soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
On peut se méprendre sur les intentions d’une collègue sans être coupable de harcèlement sexuel, car la loi n’a jamais interdit de tenter de séduire, y compris sur le lieu du travail …
En revanche, avoir des gestes ou tenir des propos à connotation sexuelle, de façon lourde et répétée, constitue bel et bien un harcèlement.
Plus encore, exercer une pression, même qu’une seule fois, afin de contraindre une salariée à un acte sexuel, constitue un harcèlement.
b/ Le harcèlement sexuel au travail ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise
Le temps et le lieu de travail sont indifférents pour le reconnaître, car le harcèlement sexuel ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise.
Ainsi, le fait pour un salarié d’abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d’obtenir un acte de nature sexuelle constitue un harcèlement sexuel même si les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail.
De même, un salarié se rend coupable de harcèlement sexuel lorsqu’il tient en dehors du temps et du lieu de travail, des propos à caractère sexuel à deux de ses collègues féminines par l’envoi de SMS, de messages électroniques sur MSN et lors de soirées organisées après le travail.
Plus encore, un environnement de travail ponctué de blagues salaces, de propos insultants à connotation sexuelle constitue une pratique harcelante.
Ainsi, dans un arrêt du 7 février 2017, une cour d’appel a jugé que le harcèlement sexuel peut consister en un harcèlement environnemental ou d’ambiance, où, sans être directement visée, la victime subit les provocations et blagues obscènes ou vulgaires qui lui deviennent insupportables.
La reconnaissance de la notion de l’agissement sexiste, s’entendant « comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » est donc assez large.
II. Les moyens de preuve les plus efficaces
a/ En apparence, la preuve du harcèlement est facilitée
L’article L. 1154-1 du code du travail dispose qu’il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, la partie défenderesse doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La victime doit donc seulement rapporter la preuve d’éléments qui laissent supposer l’existence d’un harcèlement, et non rapporter la preuve directe de ce harcèlement.
En cas de doute, il doit profiter à la victime.
Cette règle ne vaut que pour les procès devant les conseils de prud’hommes, car en matière pénale, c’est au Procureur de la république de rapporter la preuve de la culpabilité du harceleur et en cas de doute, il doit profiter à l’accusé.
Les modes de preuves classiques sont admis : témoignages de certains collègues, échange de courriels, SMS, échanges sur les réseaux sociaux tel Facebook.
b/ En pratique, la question de la preuve est redoutable pour le salarié
Les moyens de preuve classiques sont admis : témoignages de collègues de travail, SMS, courriel, messages sur les réseaux sociaux tel Facebook etc.
Toutefois, ces éléments sont souvent impossibles à produire car les situations de harcèlement sexuel sont le plus souvent cachées.
Restent alors les enregistrements audio, réalisés de façon clandestine, lesquels ne laissent en principe pas la place au moindre doute sur la réalité des faits.
Toutefois, ces enregistrements ne sont pas recevables devant un Conseil de prud’hommes car ils sont contraires au principe de loyauté de la preuve en droit du travail !
Le recours des victimes devant cette juridiction civile est plus simple et plus rapide qu’une procédure pénale, et la majorité de ce type d’affaires est d’ailleurs portée devant la juridiction prud’homale.
Le Défenseur des droits a réclamé que ces enregistrements soient recevables car « les agissements de harcèlement sexuel ont souvent lieu en huis clos, sans témoin et il est très difficile pour les victimes de solliciter des témoignages de collègues qui seraient toujours en poste ».
A mon sens, il n’y aucune raison d’écarter de tels enregistrements dans un procès civil, s’agissant de faits qui sont susceptibles d’être poursuivis devant la justice pénale, devant laquelle ce type d’enregistrement clandestin est parfaitement recevable !
Cette difficulté probatoire s’accompagne en plus d’une difficulté d’agir en justice.
Le Défenseur des droits le relève : « cette difficulté à témoigner est particulièrement grande dans un contexte professionnel car elle peut alors se conjuguer avec la peur de perdre son emploi, d’autant plus que, dans trois cas sur 10, les femmes victimes de harcèlement sexuel ont déclaré être dans des situations précaires au moment des faits ».
Enfin, les femmes prennent souvent l’initiative de la rupture de leur contrat de travail, de sorte que les entreprises et les harceleurs sont finalement peu condamnés dans ce type de dossiers.
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