La réforme du Code du travail, telle que présentée dans le rapport Combrexelle, repose sur l’idée assez simpliste que la négociation collective puisse ajuster et même remplacer la loi. Etat des lieux.
La réforme du droit du travail semble méconnaitre quatre évidences majeures
La première : les organisations syndicales ne seront pas majoritairement prêtes à s’engager dans une négociation collective en vue de déroger aux dispositions applicables à l’entreprise, car les règles en place sont évidemment protectrices, et c’est normal, des droits des salariés.
L’enjeu est pourtant de taille car à partir du 1er janvier 2016, les négociations obligatoires d’entreprise seront regroupées autour de trois blocs, selon l’article 19 de la loi Macron du 17 août 2015, modifiant l’article L. 2242-1 du Code du travail :
- une négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée (C. trav., art. L. 2242-5 à L. 2242-7),
- une négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail (C. trav., art. L. 2242-8 à L. 2242-12),
- tous les trois ans, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (C. trav., art. L. 2242-13 à L. 2242-19).
La seconde : l’affirmation selon laquelle le code du travail serait un labyrinthe juridique relève d’une hypocrisie sans nom, car à ce petit jeu, il est urgentissime de réformer quasiment tous les codes en vigueur, à commencer par le code des impôts.
La troisième : imaginer qu’employeur et syndicats se retrouvent régulièrement pour débattre des mesures les mieux adaptées pour l’entreprise, repose sur un postulat erroné (car jamais appliqué) suivant lequel le développement de l’entreprise accroit les bénéfices de l’employeur mais aussi la rémunération des salariés, dont l’emploi est d’autant mieux préservé. La réalité est que leurs intérêts ne se confondent que très rarement car les deux caractéristiques du contrat de travail sont le pouvoir de direction exercé par l’employeur et le lien de subordination auquel est soumis le salarié.
La quatrième : si les employeurs sont en principe bien conseillés, avec un service des ressources humaines et des avocats pour les éclairer, à l’inverse, les salariés, comme les unions syndicales du reste, le sont beaucoup moins. Comment appréhender une négociation sur le temps du temps de travail par exemple, si l’une des parties n’en maitrise pas parfaitement tous les enjeux et les pièges ?
Certains ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et demandent carrément que la négociation collective puisse s’ouvrir plus largement avec des représentants élus et qu’il soit possible de recourir davantage au référendum d’entreprise, dans le but évident d’évincer les délégués syndicaux. L’article 21 de la loi Macron du 17 août 2015 n’a pas été jusque là et modifie seulement le dispositif de négociation dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux.
Le champ du référendum a ainsi été quelque peu élargi. Le nouvel article L. 2232-21-1 du Code du travail dispose en effet que « l’accord signé par un représentant élu du personnel au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel ou, à défaut, par un délégué du personnel mandaté doit avoir été approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, dans des conditions déterminées par décret et dans le respect des principes généraux du droit électoral ».
Voir la vidéo comment résoudre la question des 35 heures ? Finalement, la volonté des pouvoirs publics d’obtenir que les ajustements des règles gouvernant les relations de travail soient opérés par la voie conventionnelle est un signe de leur double incapacité :
- à réformer eux-mêmes des règles qu’ils ont parfois empilées depuis des décennies, sans se préoccuper ni de leur pertinence ni de leur cohérence : les réformes successives des 35 heures (plus de 20 lois en 20 ans) menées par des gouvernements de droite comme de gauche, en sont un exemple assez frappant ;
- à lutter contre le chômage car accuser le code du travail d’être un frein à l’emploi relève d’une singulière mauvaise foi. Par comparaison, dirait-on que la complexité du code des impôts est un frein à la lutte contre la fraude fiscale ?
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