Réforme de la loi Macron pour le délit d’entrave au code du travail. Le délit d’entrave est incontestablement une des infractions phare du droit pénal du travail. Ce délit est décrié par le patronat qui considère que ce risque pénal est démesuré et d’application floue. La loi Macron entend réformer le dispositif actuel.
État des lieux et de la jurisprudence.
La valeur protégée par le délit d’entrave
Le délit d’entrave protège une valeur fondamentale dans toute entreprise : la représentation du personnel et le droit syndical.
Les institutions en cause sont principalement le comité d’entreprise (CE), le comité de groupe, le comité d’entreprise européen, les délégués du personnel (DP) et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHCST).
Sur ce plan, le maintien d’une sanction pénale en cas d’atteinte à la représentation du personnel ou du droit syndical est donc incontestablement dissuasive.
Les textes d’incrimination ne sont pas d’une clarté évidente
Le délit d’entrave aux institutions représentatives du personnel est prévu non pas par le Code pénal mais par le Code du travail.
Alors qu’en Droit pénal les textes qui prévoient et répriment les infractions sont, en principe, clairs et précis, pour le délit d’entrave au contraire, il existe non seulement une multitude de textes d’incrimination dans le Code du travail, mais de surcroit, ces textes retiennent une formule plutôt vague, à savoir « le fait d’apporter une entrave » ou « le fait de porter atteinte » à telle ou telle activité ou mission des représentants du personnel.
Ce manque de clarté ne facilite donc pas la compréhension du délit.
Par ailleurs, l’entrave aux représentants du personnel peut être accomplie aussi bien par des actes positifs que négatifs.
Par exemple, le fait pour l’employeur d’envoyer tardivement l’ordre du jour de la réunion du CE ou de le modifier unilatéralement, ou lorsqu’il omet de mettre en place les élections pour désigner les représentants du personnel.
Il y a autant de délit d’entrave au code du travail qu’il y a d’actes prohibés. De la sorte, la jurisprudence retient le cumul réel d’infractions en raison de la pluralité de textes d’incriminations et d’institutions représentatives atteintes.
Malgré cette diversité des textes d’incrimination, la peine encourue est toujours la même, à savoir un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.
Outre ces peines strictement pénales, les parties civiles ont de leur coté intérêt à demander des dommages et intérêts. Mais il s’agit ici des intérêts civils et non des peines pénales.
Les personnes susceptibles d’être poursuivis pénalement
L’entrave peut être commis par le chef d’entreprise dirigeant de droit, mais également par le dirigeant de fait ou le délégataire de pouvoirs, voire par un salarié. La personne morale qui emploie l’auteur de l’infraction est évidemment susceptible d’être reconnue pénalement responsable.
L’élément intentionnel est, en pratique, le plus souvent quasiment présumé
En principe, en matière de délit, l’élément moral est tout aussi important que l’élément matériel. Tel n’est pas vraiment le cas en matière de délit d’entrave au code du travail. Ainsi, l’intention va être déduite du comportement actif ou passif de la personne poursuivie.
Par exemple, lorsque l’entrave résulte d’une omission, il suffira de démontrer que le prévenu s’est abstenu en connaissance de cause. Et s’agissant la plupart du temps d’un chef d’entreprise censé maîtriser la règlementation, sa seule qualité suffira en général à prouver (en réalité présumer) qu’il a agi en connaissance de cause.
La Réforme annoncée du délit d’entrave
Une réforme du délit d’entrave aux représentants du personnel devrait avoir lieu en 2015 selon les dernières déclarations du chef de l’état et le projet de loi Macron, le but étant de supprimer les peines de prison pour privilégier des sanctions financières plus lourdes.
Cette réforme semble motivée par trois idées largement exposées par le Medef :
– d’abord, les chefs d’entreprises ne sont pas des délinquants et ne méritent pas d’être exposés à des peines de prison ferme en cas d’atteinte à la représentation du personnel ou du droit syndical,
– ensuite, les investisseurs étrangers sont « effrayés » par le dispositif actuel,
– enfin, les chefs d’entreprise qui ont réellement été en prison pour délit d’entrave se comptent sur les doigts d’une main, d’où l’utilité de réformer le dispositif.
Ces trois idées sont quand même très contestables :
– Un, pourquoi l’atteinte à la représentation du personnel ou au droit syndical ne serait-elle pas pénalement punissable ? Ces valeurs sont en effet essentielles dans l’entreprise.
– Deux, il y a d’autres textes répressifs en droit du travail, comme le travail dissimulé, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel, ou en cas d’accident du travail grave ayant entraîné des lésions corporelles ou la mort, si l’employeur est prévenu d’avoir d’avoir commis une faute caractérisée en matière de sécurité dans l’entreprise : faut-il également dépénalisés ces actes pour ne pas « effrayés » les investisseurs étrangers ?
– Trois, le fait que les Tribunaux correctionnels ne prononcent quasiment jamais de peines de prison ferme est-il si spécifique au délit d’entrave du code du travail ? Combien de chef d’entreprise vont réellement en prison pour harcèlement moral par exemple ? aucun.
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