Le cas des salariés embauchés par une société mère française, qui sont mis à disposition auprès d’une filiale étrangère, et qui sont finalement licenciés par cette même filiale (quel que soit le motif), pose la délicate question de leur rapatriement et de leur reclassement par la société mère.
Cette situation est très fréquente et les groupes ne manquement pas d’imagination pour échapper à leurs obligations. C’est pourquoi il peut être nécessaire de recourir à un avocat en mobilité internationale.
Partons du texte légal : aux termes de l’article L. 1231-5 du code du travail, lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère – sous forme de détachement ou d’expatriation peu importe – la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein.
Le droit au retour du salarié se matérialise par les éléments suivants :
- en cas de licenciement par la filiale, la Société mère doit assurer le rapatriement du salarié en son sein,
- la Société mère doit procurer un nouvel emploi compatible avec l’importance des précédentes fonctions exercées par le salarié,
- si la Société mère n’entend pas conserver à son service le salarié, elle doit mettre en œuvre les dispositions existantes en matière de rupture du contrat de travail.
Il convient de rappeler ce que recouvre, en pratique, l’obligation de reclassement incombant à la Société mère.
- L’initiative du reclassement
La jurisprudence retient qu’il appartient à la Société mère, après le licenciement du salarié par la filiale, de prendre l’initiative du rapatriement du salarié et de lui proposer un reclassement.
Il n’appartient pas au salarié de se mettre à la disposition de la Société mère pour venir travailler en France ou qu’il ait manifesté une intention en ce sens et il importe peu que le salarié ait créé une Société et qu’il ait occupé un poste de Président dans une autre Société.
- Des recherches effectives de reclassement
La Société mère doit procéder à des recherches effectives et sérieuses de reclassement dont elle doit pouvoir justifier, la charge de la preuve lui incombant exclusivement.
A ce titre, il a été jugé que l’employeur ne peut limiter ses offres de reclassement en fonction de la volonté présumée du salarié de les refuser.
De la même façon, même si le salarié a refusé une mutation dans un emploi équivalent dans une autre région, l’employeur ne peut en déduire qu’il refusera tout reclassement impliquant une mobilité géographique comparable ou plus importante et, en conséquence, s’abstenir de lui proposer les emplois disponibles situés dans une autre région ou un autre pays.
- Le formalisme strict du reclassement
Les offres de reclassement doivent répondre à un formalisme strict, destiné à assurer une information complète du salarié et à favoriser un reclassement effectif : elles doivent être écrites, précises et personnalisées (article L. 1233-4 du code du travail).
L’employeur ne peut donc se prévaloir d’offres de reclassement verbales pour démontrer qu’il a satisfait à son obligation de reclassement.
L’offre doit comporter l’ensemble des informations nécessaires pour que le salarié puisse se prononcer : bien évidemment, la nature, la qualification, la rémunération et la localisation de l’emploi proposé, mais aussi les avantages et sujétions qui y sont liés et les mesures dont le salarié peut bénéficier s’il accepte le reclassement (le cas échéant : formation d’adaptation, voyage de reconnaissance sur le lieu de travail, prise en charge des frais de déménagement, maintien provisoire du niveau de rémunération etc.).
L’employeur qui refuse de fournir au salarié des informations complémentaires sur l’emploi proposé manque à son obligation de reclassement.
- Le périmètre de recherche pour le reclassement
Pour les Sociétés appartenant à un Groupe de dimension internationale, les recherches de reclassement doivent s’effectuer tant au sein des filiales françaises du Groupe qu’au sein de celles implantées hors du territoire national.
A ce titre, la jurisprudence est venue préciser que, cette solution, retenue en matière d’obligation de reclassement dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, est transposable à l’obligation de reclassement prévue par l’article L. 1231-5 du code du travail.
Ainsi, dans les deux hypothèses, les juges imposent de rechercher les possibilités de reclassement à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités ou l’organisation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, y compris en direction des sociétés du groupe implantées à l’étranger.
L’ancien article L. 1233-4-1 du code du travail prévoyait que lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l’employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s’il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.
Concrètement, l’employeur devait adresser au salarié un questionnaire qui détaille la liste des pays dans lesquels l’entreprise ou le groupe est implanté et où des permutations sont possibles, des informations générales sur les conditions de travail locales afin d’éclairer le choix du salarié.
Depuis le 6 août 2015, le nouvel article L. 1233-4-1 du code du travail prévoit que la démarche doit émaner du salarié : en clair, le salarié, dont le licenciement est envisagé, doit demander à son employeur de recevoir des offres de reclassement dans les établissements en dehors du territoire national).
- Le délai à respecter pour accepter ou refuser le reclassement
Le salarié doit disposer d’un délai pour réfléchir et répondre aux propositions.
A supposer que la Société mère soit réellement confrontée à une impossibilité de reclassement, ce qui semble a priori difficile à imaginer compte tenu de la taille des sociétés qui possèdent des filiales à l’étranger, il lui appartient de licencier le salarié, comme le prévoit l’article L. 1231-5 du code du travail.
Elle doit alors lui verser ses indemnités légales de licenciement et son préavis, outre d’éventuels dommages et intérêts si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse par un Juge.
Marc Z dit
Bonjour,
La filiale française d’un groupe américain me propose un détachement en Suisse dans une autre filiale. Si je suis licencié après, la filiale française devra me reclasser ?
Avocat Christophe Noel dit
Bonjour,
Non, car le droit au reclassement ne joue qu’entre la société mère et la filiale, pas enter deux filiales.
.JP Beuvelet dit
Bonjour,
employe depuis 39 ans par la maison mere, je suis expatrie depuis 6 dans la filliale du Groupe en Asie ( contrat suspendu ). Le siege me propose un transfer definitif dans cette filliale. Que dois je faire pour ne pas perdre mes droits envers mes annees d’anciennete pour mes indeminites de depart en retraite?
Vous en remerciant,
JPB