La fraude est constituée dès lors qu’on use de manœuvres afin d’éluder une règle de droit impérative. Cette notion est de plus utilisée par les praticiens du Droit du travail afin de faire annuler les licenciements pour motifs économiques et les ruptures conventionnelles.
Les causes de nullité tendent à s’élargir
En vertu de l’article L. 1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
L’adverbe « notamment » est important car il signifie que d’autres motifs peuvent justifier une cause économique de licenciement, telle une réorganisation dès lors qu’elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité d’une entreprise ou, si l’entreprise appartient à un groupe, à celle du secteur d’activité du groupe ou encore la cessation d’activité de l’entreprise.
S’agissant de la cause du licenciement, le motif allégué, qu’il soit personnel ou économique, doit être « est motivé par une cause réelle et sérieuse » (C. trav., art. L. 1233-2).
Dans tous les cas donc, le salarié licencié peut donc contester le caractère réel et sérieux des motifs économiques invoqués à l’appui de son licenciement économique, dans le but d’obtenir l’allocation de dommages et intérêts.
Mais il peut également, dans des conditions particulières, solliciter du Juge la nullité de son licenciement pour motif économique, laquelle produit des effets beaucoup plus radicaux, avec la réintégration possible du salarié, et l’allocation d’une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la perte de revenus pendant la période de nullité…
Ainsi, la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique envisagée par l’article L. 1235-10 du Code du travail ne vise que l’hypothèse d’absence ou d’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi.
En principe, la voie judiciaire pour obtenir une nullité est donc très étroite.
Certains Avocats ont tenté, parfois avec succès devant certaines juridictions, d’élargir cette voie en faisant appel à la théorie de la fraude.
Le raisonnement est le suivant : la procédure de consultation des représentants du personnel doit correspondre à des licenciements pour motif économique, et à défaut, une telle procédure est dépourvue de cause. Étant dépourvue de cause, la procédure mise en œuvre par l’employeur s’analyse en un détournement du texte légal. Ce faisant, l’employeur commet une fraude à la loi et la procédure de licenciement doit donc être annulée.
Certains Tribunaux et Cours d’appel ont accueilli cette thèse subtile, ce qui rend très incertain la validité des procédures de licenciement pour motif économique.
La Cour de cassation n’a pas encore tranché cette question à ce jour.
L’articulation du régime de la rupture conventionnelle avec le droit du licenciement pour motif économique
L’Administration et la jurisprudence retiennent avec force que la rupture conventionnelle ne peut être utilisée comme un moyen de contourner les règles du licenciement collectif et de priver les salariés des garanties attachées aux accords de GPEC et aux PSE.
Dans la réalité, il arrive que certaines ruptures conventionnelles prennent la place de licenciements économiques ; les ruptures conventionnelles intervenant dans ces circonstances sont-elles toujours des ruptures d’un commun accord au sens de l’article L. 1231-1 du Code du travail ?
Si ces ruptures sont supérieures à 9 sur une période de 30 jours, un recours pour fraude semble ouvert à la fois aux salariés ayant signé une rupture conventionnelle, et à ceux licenciés dans la même période pour un motif économique ou personnel si leur licenciement s’inscrit dans le même processus de réduction des effectifs.
Le caractère frauduleux pourrait résulter par exemple, du recours massif, systématique et coordonné à des ruptures conventionnelles, en dehors de toute procédure de licenciement collectif.
D’ailleurs, la circulaire ministérielle du 23 mars 2010 fait d clairement allusion dans le cadre du pouvoir d’homologation de l’autorité administrative, à la nécessité de l’existence ou non d’un contournement des procédures de licenciement collectif.
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